Textes : impressions poétiques et extraits de discours inauguraux
Jacky,
Chaque fois que je me retrouve dans ton atelier,
chaque fois à nouveau m’envahit une paix insolite…
également quand je contemple tes tableaux
m’advient cette paix que je ne puis définir
mais qui est là !!!
The day before…
Le ciel a le teint d’un hiver brumeux. Mille mélodies amollissent l’air. Des mélodies qui apaisent et sont associées au calme plat des mers et à des voyages maritimes favorables.
Une forme convaincante et une synthèse de rythme et de douce harmonie. Un mystérieux processus de flux et de reflux auxquels sont soumis l’espace et le temps.
Porté par les flots de l’émotion l’on se cache dans l’infini, où l’atmosphère est sereine, où la civilisation a trouvé ses origines.
Avec une intensité croissante l’on se met en quête de l’expression la plus concise. Ravi, on atteint les limites du silence et on heurte la porte de l’univers. Aucun mouvement. Aucun son. Et très lentement il pleut des roses.
On cherche. On découvre. Et on fait silence en soi. Plein d’étonnement. Plein d’étonnement.
Et cependant tout ne doit pas être passé sous silence. Mais d’autre part il ne faut pas non plus dire tout…
Le jeune philosophe français Alain Finkielkraut affirme dans son livre « La défaite de la pensée » que nous devons à nouveau avoir l’audace de distinguer la fugacité de l’ « entertainment » et la profondeur de la culture. A son avis la culture ne peut être la poursuite d’un bonheur matériel dans une soif de consommation superficielle, mais elle exige que l’on se pose toujours de nouvelles questions, même si nous savons que la réponse à chacune d’elles suscite de nouveaux questionnements. Un impératif peu commode, mais toujours noble et enrichissant. L’art véritable – aussi celui de Jacky Duyck – emprunte cette voie.
J’en exprime ma gratitude à Jacky Duyck pour le fait qu’il accepte de nous accompagner dans cette démarche.
Je sais que parfois au creux de la nuit comme dans une envolée il se met à dessiner et à peindre, non seulement à cause de l’atmosphère, mais pour saisir les couleurs sombres adéquates, afin de rendre palpable cette envolée. Remarquable ici est son sens du prodige qui l’aiguillonne plein d’enthousiasme. Ce qui favorise cette ambiance c’est la vaste fenêtre dans le toit du grenier de son atelier. Elle stimule sa force suggestive. Jacky Duyck se sent comme aspiré vers l’espace, vers les espaces environnants et vers le ciel sidéral infini. Il partagera certainement l’avis de Carl Sagan qui s’exprimait ainsi au sujet d’une série télévisée sur le « Cosmos » : « L’univers est plus énigmatique que nous n’aurions jamais pu l’imaginer ». Dans son ouvrage « La Musique des Sphères » le philosophe Max Wildiers en rajoute : « L’Univers qui nous pénètre et nous entoure de partout est tellement mystérieux, tellement varié, tellement inaccessible, que jamais nous ne réussirons à l’exprimer adéquatement jusque dans ses fins fonds insondables, aussi loin que puisse s’aventurer notre science ». C’est là que se situe en partie l’inspiration de Jacky. Le critique littéraire Remi De Cnodder entrevit cela quand il écrivait : « Le cosmos est le terrain d’atterrissage de son imagination » et pour évoquer l’atmosphère éthérée dans laquelle tout est soumis à l’infinitude Jacky Duyck possède le charisme.
Jacky Duyck est un artiste de notre temps. Le monde de l’art ressemble bien aujourd’hui à un désert. Mais dans chaque désert on trouve des fleurs. Ainsi l’on retrouve dans le paysage dénudé de l’art et de la culture également des oasis, où sont à l’œuvre des artistes doués d’un esprit vif, animés d’enthousiasme et où les mains sales de l’argent n’ont pas encore pénétré.
Jacky Duyck est pareil artiste. C’est un être serein, paisible et affable. Son art porte un cachet bien spécifique.
Ses yeux voient loin et amplement. C’est comme s’il voyait avec les yeux mêmes du créateur. Comme la création tout entière respire et possède une âme, de même dans ses œuvres l’on découvre ce souffle d’un esprit plein d’émotion et de créativité. Ses œuvres parlent un langage que seul le cœur peut déchiffrer. Ses pensées les plus profondes éclosent en beauté.
Chez lui tout naît d’un intense amour pour la nature et pour tout ce qui vit.
Il vous plonge dans le prodige. Il vous introduit dans l’espace, dans l’infini, dans le mystère. Ses œuvres constituent une invitation à la méditation.
De son art émane le silence, ce silence dont notre époque a tant besoin. Le bruit est une des pollutions les plus graves du milieu humain. Une rencontre avec l’œuvre de Jacky Duyck peut apaiser des âmes tourmentées et pourrait dans des centres de réflexion et dans des écoles ouvrir la voie vers plus d’intériorité.
L’art de Jacky Duyck contribue à un monde meilleur, même si bon nombre de critiques estiment que l’art ne sert à rien. Ils fonctionnent la plupart du temps dans des circuits commerciaux et s’expriment plus au sujet des potentialités financières des promoteurs que sur la valeur des chefs-d’œuvre. Bonté et beauté sont des valeurs spirituelles et sont en tant que telles un tabou dans le monde des affaires.
Dans les œuvres de Jacky Duyck nos yeux trouvent la paix et notre cœur la joie. Grâce à l’œuvre de Jacky Duyck nous pouvons pénétrer dans un monde merveilleux, que la plupart des gens ne soupçonnent guère.
Des artistes comme Jacky Duyck sont pour ce Monde une bénédiction !
Applaudissement pour la création
Les yeux de Jacky Duyck voient loin et amplement ; ce sont les yeux d’un créateur.
Comme la création tout entière respire et possède une âme, de même dans ses œuvres l’on découvre ce souffle d’un esprit plein d’émotion et de créativité. Ses œuvres parlent un langage que seul le cœur peut déchiffrer. Ses pensées les plus profondes éclosent en beauté.
Chez lui tout naît d’un intense amour pour la nature et pour tout ce qui vit.
Il vous plonge dans le prodige. Il vous introduit dans l’espace, dans l’infini, dans le mystère. Ses œuvres constituent une invitation à la méditation.
De son art émane le silence, ce silence dont notre époque a tant besoin. Le bruit est une des pollutions les plus graves du milieu humain. Une rencontre avec l’œuvre de Jacky Duyck peut apaiser des âmes tourmentées et pourrait dans des centres de réflexion et dans des écoles ouvrir la voie vers plus d’intériorité.
Grâce à l’œuvre de Jacky Duyck nous pouvons pénétrer dans un monde merveilleux, que la plupart des gens ne soupçonnent guère.
Lorsque je me baladais dans l’atelier de Jacky Duyck à Dilbeek, j’y ai croisé des gens fort différents. Devant certaines de ses toiles on s’arrête tout recueilli. Beaucoup de ses œuvres sont religieuses sans vouloir l’être. Elles vous transportent au-delà de tous les horizons vers des espaces insoupçonnés. Elles vous emmènent vers les rivages extrêmes de la vie, là où la mort n’est pas un terme mais jaillit l’éternité.
De l’œuvre de Jacky Duyck émerge le silence, ce silence dont notre époque a tant besoin. Le bruit est une des pollutions les plus graves du milieu humain. Il voit avec les yeux du créateur et donne une âme à la création. Il y a du mystère. Il y a de l’espace. Il y a de l’intériorité. La nature entière et tout ce qu’il perçoit reçoit une dimension spirituelle et l’on sent le prodige. De ses œuvres il a fait son langage et ses pensées profondes deviennent perceptibles dans de la beauté qu’il crée. Chez lui tout prend naissance à partir d’une riche mouvance intérieure et d’un amour pour tout le créé. Ces œuvres sont de véritables produits culturels, qui contribuent à un monde meilleur. Cet art là est devenu rare. Des artistes comme Jacky Duyck sont pour ce Monde une bénédiction !
Je parle de paysages. C’est un terme qui me vient spontanément sur les lèvres. Mais sont-ce vraiment des paysages ? Ou employons-nous ce terme parce qu’un autre plus approprié nous manque ?
Jacky Duyck n’est pas vraiment un peintre descriptif. Il est plutôt visionnaire et en même temps homme de métier pictural et graphique. Ces deux caractéristiques s’épousent, mais son oeuvre n’est pas que cela. Elle est le résultat de plusieurs expériences ; elle se renouvelle constamment quoiqu’elle reste en grande partie fidèle à elle-même ; elle s’interroge ; elle repose les mêmes questions et compare les réponses. Elle chante comme chante le poète, mais elle n’est pas que chanson : elle est prise de conscience ; elle incarne une forme artistique ; elle est surtout invitation.
Jacky Duyck est constamment à la recherche de nouveaux modes d’expression. Il peint et dans ses peintures la matière est aussi importante que la couleur sans qu’on puisse pour autant oublier le rythme et les présences purement formelles ; il fait des monotypes où règne la sensibilité d’une pâte aplatie cherchant des échos et des harmonies, des équilibres. Il crée des techniques mixtes étonnantes où interviennent notamment la gouache, l’encre de Chine et la colle. On réalise bien vite qu’il invente, qu’il crée et nous savons qu’il ne garde pas jalousement ce qu’il a inventé, trouvé ou découvert. Il gratte un support suivant un rythme apparemment impétueux mais bien médité, bien équilibré. Il répète son treillis de lignes et de rencontres tout en modifiant chaque fois un détail, un point de sensibilité, une note. Dans ses fardes dorment des centaines d’œuvres inachevées. Un jour elles remonteront à la surface et elles surprendront tout en révélant une inspiration permanente et marquée d’une même personnalité. Ses oeuvres sont des états d’âme, des paysages intérieurs, des retours en arrière dans le fort intérieur du créateur, des fossiles, des restes d’un patrimoine pétrifié, des germes qui attendent. La mer ronge la terre dans ses oeuvres, les montagnes s’habillent de brumes, les marais vivent intensément, l’impulsivité alterne avec la poésie pure, l’aquarelle surmonte des obstacles tangibles, une crique se met à fleurir.
Et quelque chose est certain : ceci n’est pas une oeuvre apocalyptique ; il ne s’agit pas d’une sombre lamentation sur la détérioration de notre existence. Il s’agit plutôt d’un retour vers un état primitif, un rêve à propos de la naissance des choses et la première et timide rencontre entre des rythmes figés et des énergies qui entremêlés veulent se frayer un passage.
D’autre part il n’est pas sans intérêt de souligner que Jacky Duyck regarde ses paysages à distance; il s’éloigne de la matière qu’il a créée et dans laquelle il taille ses hiéroglyphes émotionnels, en partie parce qu’il voulait libérer cette émotion, en partie parce qu’il aime la matière et qu’il veut nous en montrer des couches souterraines et, à vrai dire, les entrailles.
Bien que nous soyons autorisés de trouver une espèce d’explication interne ou émotionnelle pour ses formes qui souvent font songer à l’expérience ou à l’émotion éprouvée devant un paysage, nous ne pouvons pas perdre de vue que Jacky Duyck est un artiste plastique au talent multiple. Cela signifie qu’il réalise des oeuvres sur un plan purement pictural et graphique sans que celles-ci portent un nom qui trahirait quelque chose concernant leur origine ou leur préhistoire.
D’une part nous sommes confrontés à la matière qui dans un bon nombre de cas semble purement picturale ; d’autre part sont apparues récemment un certain nombre d’œuvres graphiques qui conviennent dans une pensée sérielle, mais qui peuvent subsister en tant que telles comme rythme non-figuratif.
«Du point de vue technique, l’oeuvre de Jacky Duyck est un équilibre subtil mais vigoureux de teintes cernées par un motif de base qui est celui de la terre et de l’air, de la matière et de la lumière, du fondement et de l’élévation, des antipodes horizontaux.
Cela peut sembler facile en raison de la naissance harmonieuse, en fait, il s’agit du résultat d’une répétition continuelle et attentive, d’un récit haut en couleurs de ce qui est différent dans chacun de nous, tout en signifiant élan, fuite, vol.
D’ailleurs, point n’est besoin de dire les mots. Celui qui médite, sent en lui-même les pensées et les émotions qui s’approchent et reculent comme des vagues : celui qui regarde une des oeuvres accrochées ici, se mettra sans doute à apprécier, à comparer avec ce qu’il a déjà vu, à chercher des liens, des influences, des noms, et finira, du moins je l’espère, par s’oublier puisque c’est l’esprit qui l’emporte ici, porté et orné comme il est par le lyrisme de la forme et de la couleur.
Ses paysages sont comme l’archétype de l’existence tellurique, tectonique, une sculpture abstraite de ce qui existait juste avant la création des plantes et des animaux.
Quiconque regarde cette oeuvre et parvient à faire abstraction de l’anecdote reconnaissable, découvrira d’autres figures que celles qu’il attendait : paysage sous la neige, paysage avec montagne ou bien vibration blanchie du calme étendu sur un treillis d’émotions ».
Si j’étais poète, je pourrais sans doute trouver des mots plus seyants, plus vagues et plus beaux pour vous conduire dans ce qu’on appelle les paysages de Jacky Duyck, qui pourraient d’ailleurs tout aussi bien être la plainte de votre coeur comme du mien, de votre esprit comme du mien, la flamme de mon désir comme du vôtre qui pareil à un oiseau s’envole au-dessus de la matière, tout en étant le prisonnier du vide de l’insaisissable, de la lumière.
Je ne crois vraiment pas qu’il soit souhaitable d’inventer des noms qui emprisonnent cette sorte d’oeuvres. Il s’agit de la projection gracieuse de l’être humain qu’est à la fois le peintre et le spectateur ; il s’agit d’un miroir dans lequel on lit sa pensée, d’une invitation à méditer, d’une fenêtre de laquelle on voit se transformer en matière et couleur, sa propre évasion ; c’est une occasion de s’ouvrir, une source d’inspiration multiple, un rythme doux qui accompagne notre repos, nos songes et par laquelle nous parvenons à glisser au-dessus des choses et à percevoir qu’il est possible de quitter l’avant-plan pour s’élever au plateau, à première vue monotone où le soleil est un éclat ou une étendue brillante qui, à la fois, semble flotter et descendre doucement sur la matière.
Quiconque regarde les tableaux suspendus à ces cimaises ne sera pas étonné d’apprendre que tant de poètes ont encadré telle ou telle toile avec des mots et des rythmes ou qu’ils y ont trouvé des motifs qui, auparavant, n’avaient pas pris corps parce qu’ils sommeillaient dans les stocks de l’inconscient.
Quiconque regarde cette oeuvre et parvient à faire abstraction de l’anecdote reconnaissable, découvrira d’autres figures que celles qu’il attendait : paysage sous la neige, paysage avec montagne ou bien vibration blanchie du calme étendu sur un treillis d’émotions.
Ses paysages sont comme l’archétype de l’existence tellurique, tectonique, une sculpture abstraite de ce qui existait juste avant la création des plantes et des animaux.
C’est ma fantaisie que je laisse aller, puisque je n’ai nulle envie de rechercher dans cette oeuvre un lien avec la réalité. Ici, cette réalité est futile et tangiblement inexistante, dès l’instant où mon regard s’est glissé dans un de ces miroirs, a pénétré dans une de ces stratifications, s’est abrité dans une de ces grottes.
Il ne faut pas être poète pour apprécier l’oeuvre de Jacky Duyck et pour y trouver un motif de surpassement temporaire des limitations, des inhibitions propres.
D’ailleurs, point n’est besoin de dire les mots.
Celui qui médite, sent en lui-même les pensées et les émotions qui s’approchent et reculent comme des vagues : celui qui regarde une des oeuvres accrochées ici, se mettra sans doute à apprécier, à comparer avec ce qu’il a déjà vu, à chercher des liens, des influences, des noms, et finira, du moins je l’espère, par s’oublier puisque c’est l’esprit qui l’emporte ici, porté et orné comme il est par le lyrisme de la forme et de la couleur .
«Si sa vision était tragique et apocalyptique à ses débuts, sa muse, son ange gardien, lui a rendu la sérénité en lui permettant de peindre des toiles d’une inspiration cosmique mais empreintes également de poésie et de symbolique.
En les admirant, il me vint à l’idée que le véritable artiste est le visionnaire. Celui qui voit ce que nous ne voyons pas. Celui qui nous fait sentir comment il perçoit et ressent le monde qui nous entoure et qui est le sien propre. Un monde qui, tel un miroir, reflète notre joie ou notre déclin.
La plume et le pinceau sont guidés par une seule main, un seul enthousiasme. Ils filent vers la beauté pure qui est le reflet de l’éternité.
Disons avec Jean Cocteau que nous devons « chercher l’endroit frais sur l’oreiller. L’endroit frais qui est Dieu ». Un rayon d’extase dans l’espace infini de l’univers.
Peut-être trouverons-nous cet endroit frais, qui est pure beauté, dans les toiles de Jacky Duyck ».
Jacky Duyck est un personnage remarquable dans la peinture flamande contemporaine. Comparé à ses premières œuvres, ses dernières toiles respirent davantage de sérénité. Ses paysages imaginaires ne sont plus aussi agressifs, plus aussi terrifiants. Il peint toujours des planètes étranges, des paysages imaginaires de mondes qui ont subi l’apocalypse ou qui débutent leur genèse. Il appartient aux artistes qui refusent de reconnaître la réalité comme étant la seule expérience possible. Dans l’œuvre du peintre Duyck la palette des couleurs vire à la tendresse.
Il en émane une profonde paix, ce qui est en partie dû à une exécution sobre.
Il est de notre temps de trouver allant de soi que les gens puissent à peine encore s’arrêter un moment, et réfléchir, et s’émerveiller… La véritable dimension, la source de toutes choses, ce n’est pourtant que dans le silence qu’on peut la découvrir. Alors la réalité vous saisit avec un sentiment de compréhension, et vous vous retrouvez là vous-mêmes, sereinement émerveillés. Le prodige s’est accompli… la distance disparaît au loin et tout à coup vous tombez en pleine admiration : tant de simplicité surprenante, condensée en un moment… Il est difficile de l’exprimer avec des mots. Merci, Jacky, pour ce moment. J’admire ta création, et te souhaite encore beaucoup de succès !
Une recherche de trente années en coloris, en peinture, en pensée, et encore en recherche et… et… Après trente années arrive alors cette « invitation » à participer à la fête, à causer ensemble, à ouvrir les yeux… Pour moi, et probablement pour beaucoup c’est une invitation à accompagner Jacky, pas à pas, sur ce chemin vers des « mondes » qui n’existent pas encore, mais qui se font pressentir, cachés derrière l’impression de couleurs infinies ! Tu parviens à me captiver à travers cette violence magique dans ce charme de couleurs fascinantes. Cette « merveille » ne me lâche plus. Continuons, parcourons ce chemin vers cet horizon derrière cette dernière peinture. Peut-être que la suivante nous ramène à nouveau vers l’essentiel. Merci pour l’invitation, …que tu puisses ressentir encore durant de nombreuses années cette même joie intense de création.
Qui ne frémit point devant un corps sans peau ? Il ne supporterait même pas une pincée de sel ! Alors, peux tu en vouloir à quelqu’un qu’il crée son propre monde, son propre rêve ? Un monde dans lequel on se sent bienheureux. Un monde ou les frontières sont : douceur, joueur, surprise. En dehors de lui c’est l’agression, c’est jouer des coudes, le monde des rhinocéros. Le rhinocéros : pachyderme et lourdaud et fonceur. Les rhinocéros n’écoutent pas les soupirs du cœur. Il vous faut crier, bousculer, vociférer pour leur faire comprendre la moindre des choses.
Je te le demande à nouveau : peux tu en vouloir à quelqu’un s’il préfère être ailleurs, hors de ce monde intrépide de tiraillements et de bousculades ? Voudrais tu marcher dans des chaussures de chardons ? Celui qui a la peau tendre ne s’aventure pas en plein soleil, mais recherche l’ombre, ou attend que la lumière trop blanche soit moins aveuglante et que les coloris deviennent plus doux.
La douceur, c’est elle que l’on sent près de Jacky Duyck, dans son atelier par exemple, quand il parle de ses amis, de son œuvre , de lui-même. Tu perçois alors que c’est un homme attachant qui aime vivre avec d’autres humains dont il sent les joies et les peines. Il est dans le vrai sens du mot une âme prodigieuse qui ne peut se couper des signaux du monde environnant. Il les capte, qu’il le veuille ou non. Il n’en a pas le choix.
Qu’en faire alors si tu ne veux pas sombrer dans la folie ? Chacun à son propre remède. Il y en a que se mettent à écrire, il y en a qui se mettent à peindre. Il y en a qui déchargent leurs émotions sur la toile : griffonnant sauvagement, menacés de désespoir, ils donnent forme à ce qui les trouble au-dedans et ainsi s’en libèrent. Purification. Libération. Jacky Duyck le réalise autrement. Ni mieux, ni moins bon, simplement autrement : il entre dans le monde du silence. Le silence insolite de paysages immaculés qui s’étendent à l’infini, paraissent inaccessibles et immensément profonds. Dans ce monde incommensurable manque l’humain. Ou laissez moi m’exprimer autrement : dans ce monde poétique le « moi », le moi mesquin s’esquive complètement.
L’homme, l’homme véritable, est bel et bien présent. On ne peut l’apercevoir car il fait corps avec cet espace illimité dans lequel vibre la Vie. Voilà ce que Jacky Duyck réussit : comme un magicien il invente pour nous un monde qui respire force et paix. Un monde qui vient de naître. Le silence juste avant que tout se mette à bouillonner sauvagement. Ce que nous percevons sont des signes, des signaux, des hiéroglyphes émotionnels. Est-ce que ce sont des restes de civilisations anéanties ou les prémices d’une vie nouvelle ? En d’autres termes : expriment-ils une fin ou un début ? Nous ignorons leur signification, mais nous devinons la force qui en émane. Une force ludique. Le jeu. Voilà un autre pôle dans l’œuvre de Jacky Duyck. Lorsque je fis sa rencontre dans son atelier, je me fis la réflexion : ceci est un jardin pour des yeux d’enfants. On y trouve des constructions ludiques (deux tubes vides qui s’échangent un baiser), « ready mades », un tas d’objets qui ont perdu leur qualité d’utilité, mais qui ont commencé une nouvelle vie.
Ainsi il relativise la vie, son œuvre et sa propre personne. Sur certaines de ses peintures sont gravés des signes mystérieux, des petits jeux OXO, ou des calculs mathématiques à résultats incorrects ; des résultats qui n’ont cure d’être exacts dans l’innocence de ce monde enfantin, qui n’est pas encore atteint par une logique inexorable. On retrouve le même esprit ludique dans ses ouvrages de matière à base de sable. Vous les aurez certainement déjà remarqués, ces petits ouvrages, manquant toute perspective, peints dans les couleurs primaires : le rouge, le bleu et le jaune non mélangés. Comme s’ils s’étaient évadés du monde bi-dimensionnel de l’enfant naïf et créatif. Le jeu. Le goût de l’expérimentation, de la recherche. Raison pour laquelle il crée également des aquarelles, des gouaches et des monotypes ; des dessins aussi. Peut-on faire le reproche à quelqu’un pour pareille initiative ? Peut-on reprocher à quelqu’une d’ouvrir tous les registres de son art ? …qu’il expérimente dans tous les sens parce que pour un esprit créatif la répétition est fatale ?
«Relativer le sujet»
Ce verbe n’existe pas au dictionnaire : c’est le dictionnaire qui a tort, et Jacky Duyck qui a raison en inventant ce néologisme qui comble une lacune. Comment expliciter son art profond, son art cosmique, sans introduire dans le discours cette notion ?
On est toujours le géant ou le nain de quelqu’un.
C’est dire combien il est vain de parler abstraction ou figuration devant les multiples aspects, les multiples variantes dans le temps et dans le propos qui enrichissent l’oeuvre de Jacky Duyck – je dis bien : qui l’enrichissent plutôt qu’ils ne la dispersent ? Car il y a eu, il y aura encore chez lui, maintes variations sur des thèmes parents qui se ramènent en définitive à un thème unique : le Cosmos en sa totalité, mais aussi en sa diversité, en des aspects apparemment multiples qui ne représentent en définitive que ces hypostases de son unité, dirait un théologien : que ses états divers. Sa couleur est cosmique – maints critiques l’ont remarqué : ses nuances sont celles de la terre, du ciel, des éléments à l’état pur.
Matière ? Substance psychique ? Représentations intérieures ? Comme tout symbole, la peinture SYMBOLIQUE de Jacky Duyck est non seulement susceptible d’exégèses à divers degrés, mais s’en va débusquer ses correspondances – ses complicités – dans l’âme de chaque spectateur. Concluez-en que chacune de ses oeuvres en contient autant qu’elle aura d’admirateurs.
Jacky Duyck ? Encore un de ceux de chez nous dont on se dit : – Ah ! s’il était Français ou Américain ! on en parlerait dans toutes les Biennales, et les Concernés d’une certaine intelligentzia n’auraient pas assez de salive pour développer son panégyrique ! Hélas, il est né en notre Belgique qui de tous les pays, compte le plus de peintres au kilomètre carré – mais de peintres qui, parce que créateurs, peignent non pas suivant les standards internationaux, mais comme on ne peint que chez nous ! Et telle est bien la grande pitié de notre art !
Cher Collègue,
Cordial merci pour le beau livre que vous m’avez offert à l’occasion de votre visite à mon musée. Je suis heureux d’avoir fait votre connaissance. Nous nous trouvons d’ailleurs sur la même longueur d’onde !
Jacky Duyck reste, selon le plein sens du mot, un peintre ; quelqu’un qui dispose de la matière et de la couleur comme moyens d’expression. Il parvient à les animer de telle manière qu’avec ces ingrédients il parvient à créer un monde qui auparavant n’existait pas. Il est manifeste que Jacky Duyck affine continuellement son talent. Par son engagement déterminé et par l’enthousiasme avec lequel il crée, il acquiert de plus en plus une maturité riche et fine pour remplir sa fonction d’artiste. L’évolution de sa personnalité artistique est passionnante à suivre.
Duyck manie avec une main de maître le dessin, l’aquarelle et la peinture à l’huile, tant dans ses thèmes cosmiques que dans ses simples paysages et compostions à travers lesquelles il exprime une vision des choses très personnelle. En vingt ans de temps l’œuvre de Duyck a énormément évolué, s’est épuré, affiné et sublimé.
J’ai apprécié pleinement ton œuvre. Certains de tes chefs-d’œuvre m’ont troublé profondément parce que par ton art je me sentais proche de mon grand ami Felix De Boeck.
La lumière omniprésente habite toutes les toiles de Jacky Duyck. Il en résulte que ces peintures se situent dans la direction de l’impressionnisme abstrait. Une peinture qui entonne un chant où vibrent sans cesse l’aura et les signes grâce au geste liturgique du peintre.
Si pour le poète s’impose en premier lieu la nécessité de dire le monde par la force et la magie du verbe, Jacky Duyck ressent la nécessité de toucher le monde, de marquer la genèse du monde d’un signe. Ou comme lui-même s’exprima au micro lors d’un dialogue que j’eus avec lui : « d’un coup de brosse sur la toile ».
En effet, au commencement il n’y avait pas la parole, mais le geste. Et la pratique du geste a conduit Jacky Duyck à une peinture théâtrale semblable à une liturgie à laquelle les yeux derrière nos yeux peuvent participer.
Toute peinture a été peinte avec un troisième oeil : un oeil intérieur. Duyck renonce au monde extérieur et opte pour une peinture de la pauvreté. Son geste décrit le vide qui est complètement vide, qui est complètement plein.
Si la période du surréalisme – de concert avec le montage bizarre et théâtral de personnages et d’objets matériellement mesurables – était une application quelque peu forcée du penseur juif Martin Buber qui prétendait : « Tout est rencontre », pour Jacky Duyck vaut tout autant et à un degré d’intensité aussi élevé la réflexion « Tout est Distance ». Oui, c’est vrai, l’informel est porteur de toute forme. Toute forme peinte avec les couleurs de la terre, de l’eau, du feu, de l’air et de la lumière. Des couleurs qui chantonnent comme peut-être nous un jour nous deviendrons transparents pour Dieu.
Ce que les créations de Jacky Duyck suscitent en moi.
Ces tendres couleurs ondoient vers l’infini.
Âme et esprit s’égarent en rêveries et agréables parfums.
Fascinés, les yeux scrutent l’horizon au-delà de la symphonie des vagues ; telle une hymne d’amour pour la beauté elles embrument l’esprit et argentent le cœur.
C’est tout une douce mouvance et rêverie intime, qui vous emporte loin ! oh si loin de notre monde banal. Des heures durant on peut contempler, jouir et se laisser emporter par la mélodie des couleurs vers l’infini.
A l’encontre de tout courant d’art Jacky Duyck reste unique.
Aucune tendance, aucune école n’influence son pinceau.
Son pinceau n’obéit qu’à sa propre nature intime, à son imagination personnelle.
Il est le créateur usant de la vigueur de sa propre philosophie innée, celle de la beauté de la création, de l’être et du devenir. Chacune de ses créations est un poème en soi, dans lequel son âme se reflète. Il se sent comme Willem Kloos : « Un Dieu au plus profond de ses pensées ». Ses chefs-d’œuvre côtoient l’esprit de l’existence dans l’infini. Ses créations, aussi simples soient elles, atteignent une profondeur insondable et engendrent une consolation lénifiante dans notre monde terne, dans l’environnement implacable de notre existence. Pour ceux qui le comprennent, il procure consolation et tendresse, par la beauté qu’il crée dans ses œuvres. Ses créations, riches de par la symphonie de leurs teintes variées, restent une ode à l’amour pour la beauté de l’univers.
Bonjour Jacky,
Parfois je voudrais naviguer dans ton fort intérieur, me balader dans le jardin de tes pensées. Je suis presque sûr qu’il n’y a pas d’écriteaux mentionnant : « défense de cueillir ». Au contraire. Je te connais comme un jardinier enthousiaste et joyeux. Tu me prendrais bien par la main pour déverser sur moi un flot de paroles qui me diraient ton amour pour tes plantes et tes fleurs. C’est ainsi que jadis je t’ai connu et que je te connais encore. Comme quelqu’un qui enduirait son plancher de poudre, inviterait des gens et aimerait l’empreinte de leurs pas. C’est ainsi que je sais que sont appréciées mes visites. Hésitants mes yeux s’égarent dans tes peintures ; ta voix devient un compagnon fidèle qui drape ma vision de toute une histoire. Tu sais, Jacky, un bon flûtiste joue sur son instrument du fond de ses entrailles. Ainsi le souffle devient mouvement, et le mouvement un timbre, et ce timbre une identité musicale. Ce qui se niche dans notre oreille est plus qu’une mélodie. Emotion. Animation. C’est exactement de cette façon là que je te connais.
Tu sais, Jacky, il y a des gens qui reprennent leur souffle en s’égarant dans des bouquins agréables, des gens qui s’enlisent dans l’ambiance de longues soirées et se laissent absorber par la vie d’une multitude de personnages. D’autres personnes revivent à l’écoute de la Romance opus 42 de Max Bruch. Ce sont des jouisseurs tranquilles qui se couvent de chaude solitude à la lumière tamisée d’un lampadaire. Certains jours je suis de ceux là. De 20.00 h à 24.00 h. Je suis certain que toi aussi tu appartiens à cette sorte de jouisseurs. Mais il y a une différence. Nous fermons nos yeux à 24.00 h, mais toi pas. Nous, nous rêverons encore quelques moments avant de nous enliser dans le sommeil, mais toi pas. Toi tu bloqueras ta sonnette avec un morceau de carton, tu déconnecteras le fil du téléphone et puis, comme une éponge imbibée de tout ce génie littéraire et musical, tu commenceras à t’exprimer !
Tes yeux se muent en volcans. Tes doigts en rivières. Ta main devient le prolongement de ton cœur. La peinture prend souffle. Le souffle devient couleur. Ton œil devient le guide impitoyable de ta main. Bach et ces concerts Brandebourgeois renaissent. Avec la composition musicale fraîchement dans les oreilles Bach glisse peu à peu de ton cœur sur la toile. Et de manière inimitable ton émotion et ta fougue prennent corps. Pendant ce temps dehors l’été bat son plein. Et dans la rue Neuve à Bruxelles flâne un vagabond. Et à Gand les fêtes gantoises s’éteignent. Et en Irak on ricane parce que Gorbatchev a été limogé. Et chez moi à la maison mon épouse me donne un doux baiser sur la nuque, ce qui veut dire qu’elle va s’endormir bientôt. Et j’éprouve la même envie qu’elle. Comme tantôt toi aussi exténué, les mains barbouillés de peinture, tu t’émerveilleras devant ton nouvel « enfant ». Je vais dormir, Jacky. Ma petite femme m’attend. Je te laisse travailler, je te laisse vivre. A très bientôt. Entretemps je te souhaite, à toi et à Brigiet pas ce qu’il y a de mieux, mais de meilleur !
Bien à toi,
Le troisième jour.
Je me rappelle, qu’encore « teenager », j’ai rendu visite, chez lui à la maison, au peintre gantois Hugo De Clercq. Je me souviens de mon étonnement devant les « grands espaces vides et dénudés » dans lesquels vivaient Hugo et sa compagne Jeanne. Cruellement vide et peu meublé ; souvent pas plus qu’un grand divan noir dans une immense pièce vide, où toute l’attention était attirée vers une construction monumentale que, comme « teenager », je reconnaissais comme un énorme pneu. On frôlait l’œuvre et les motifs abstraits se mirent à bouger. Curieux. Des années plus tard j’appris que pareille œuvre s’appelait du « Op-Art ».
A la même époque je fis connaissance avec Lou Coopers. Lui aussi faisait flotter sa fantaisie comme un Merlin dans des paysages vides. Ainsi je me rappelle encore sa marine nocturne, ensemencée de tubes néons. Dans ce temps là, comme jeune adulte, de me faisais plus de souci pour le danger d’électrocution de nageurs tardifs et de poissons que pour ce qu’on appelle « l’art conceptuel ».
Tant chez Hugo que chez Lou je fis pour la première fois l’étrange expérience de la « solitude ». Ils me racontaient des histoires d’ une horrible solitude qui me donnaient de la chair de poule. Et pourtant je les connaissais comme des amis intègres et charmants, peu loquaces, mais chaleureux. Je ne parvenais pas à rimer cette attitude intérieure avec ce vide autour d’eux. Plus tard dans ma vie je fis la connaissance de Jacky Duyck. Aussi un de ces gars épatants chez qui il est bon de passer son temps. Tu te perds dans ses yeux dans lesquels tu te retrouve à l’aise, et une voix calme te raconte des histoires attendrissantes. C’est un conteur racé qui commente continuellement ses tableaux et les encadre d’émotions qui sont très compréhensibles pour chacun. Il ne prononce jamais le mot solitude, mais vous entretient d’amour et de tendresse et de l’immersion dans sa créativité sans mesure. Il y a bien d’années déjà que j’ai commencé à comprendre que certaines personnes, souvent très vulnérables elles-mêmes, aident à porter les peines de ceux pour qui elles pèsent trop lourd.
De plus en plus je m’efforce d’éviter la solitude et je suis de moins en moins attiré par la nudité de grands espaces vides. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai choisi une maison avec des petites chambres et qui sont bondées de livres et de curiosités. Il arrive encore de vivre des moments de solitude, surtout les moments où l’on se sent incompris, mais je ne cultive plus la solitude. Elle n’est qu’un halte nécessaire, une station d’essence pour faire le plein, et puis poursuivre sa route.
Quand après tant d’années j’admire un peu déconcerté les tableaux de Jacky, je dois penser à la Genèse, le premier livre de la Bible. Je contemple là un monde encore inachevé. A mon avis Jacky représente le troisième jour de la création, plus précisément : l’avant-midi. Les eaux se retirent en un endroit et la terre sèche apparaît. Cet assèchement se fait de mille manières. Je peux m’imaginer que quand on regarde par l’oculaire d’un microscope on peut retrouver ce « monde fantastique » dans une pincée de sable.
Je suis sûrement un personnage inopportun, car quand je vois la création de Jacky Duyck devant moi, l’envie me prend de continuer la création : planter des arbres, semer des fleurs… Je voudrais peupler et cultiver ses peintures, les arroser et les faire fleurir…
Pourquoi Jacky se prélasse-t-il déjà durant des décennies dans ce troisième jour de la création, plus précisément dans l’avant-midi. Aucun mortel ne pénètre à fond le cœur de l’autre. Comment deviner les pensées intimes de Jacky ? Parfois il m’emmène dans son jardin de rêves. Et ce que j’entends alors ? Ce que je ressens ? Ecoute, je vais tenter de l’exprimer avec les paroles d’autrui, celles de « Kobeke » d’Ernest Claes : « Quand Kobeke s’aventurait à nouveau entre les humains, ils décelaient dans ses yeux cet éclat perdu. Il était convaincu que partout il fuyait le mal, et qu’il recherchait le sacré. Mais c’était sa propre âme qu’il tentait de fuir et qu’il portait avec lui dans le battement de son cœur. Il l’ignorait, le pauvre bougre. Et le sacré qu’il poursuivait était le même battement de son cœur. Ca il le savait encore moins. Il était en quête de ce sacré, pensant le trouver dans un avenir proche, à la fin du chemin. Et il se trouvait derrière lui, au début du chemin. Il chercha dans les étoiles, et il était là bien sur terre. Ainsi sont les gens ! » Ainsi est Jacky, et moi avec lui. C’est pour cette raison que tous les deux nous aimons bloquer la sonnette avec un bout de carton. Nous bricolons à notre façon un chemin infaillible vers le silence. Pas de visite, pas de GSM… donne nous seulement une maisonnette dans le jardin sous le poirier, puis une toile vierge, une feuille blanche, un pinceau ou un bic. Car la vie est déjà assez désordonnée comme ça. C’est pour cette raison là que Jacky et moi-même avons besoin d’histoires pour mettre de l’ordre dans les affaires. Et ces histoires racontent suffisamment. Je le pense du moins…
Oudenaerde-Eine au seuil de l’été ’97.
Cher Jacky,
On dit que « la Vie » est le côté extérieur de « la Mort » !
Après ma visite dans ton atelier j’aperçus, comme en une vision, la lumière de tes yeux reflétée de mille manières dans tes toiles. Tes yeux, l’extérieur de ton âme, imprimés sur la toile. De la musique sans notes !
Comme toi, Jacky, qui recherche de l’harmonie en lignes et couleurs d’un coup de pinceau, moi aussi je voudrais jouer en couleurs et en lignes sur mon violoncelle, sentir la couleur des sons dans mon nez et l’incommensurable infinitude de tes œuvres dans mon esprit.
Merci… amitiés…Cher Jacky,
De Genèse à Apocalypse
Dans un silence s’intensifiant pouvoir glisser vers les premières nébuleuses naissantes, dans une contemplation de genèse, …d’un nuage de poussière voir la Terre devenir une boule de feu, et puis se refroidir en une mosaïque de couleurs, …d’abord des mortes couleurs d’océans en vapeur, de roches vomissantes sous un ciel oppressant, lourd de pesants champs de nuages, …et puis sentir pousser sous ses pieds la première mousse verte et tendre, …et peu après s’émerveiller devant l’éclosion en couleur de la première fleur, …se sentir devenir petit à côté des arbres dont les branches comme des bras se tendent vers le ciel ; ….voir le premier papillon voltiger dans ce silence immense, …et puis entendre …écouter le premier oiseau chanter, …quel spectacle !
Mais ensuite rencontrer des personnes qui désirent, qui espèrent ; …s’étonner de voir des yeux qui cherchent d’autres yeux, voir un visage ombragé s’éclairer d’un beau sourire, comme l’ardeur d’un feu intérieur à la recherche d’un autre feu intérieur, pour brûler ensemble plus intensément de ce qu’on appelle… l’amour ou l’amitié, …quel spectacle plus merveilleux encore !
Et puis le silence, …entrer dans le grand silence, …jusqu’à n’entendre plus rien …et tout étonné écouter « tout », …prêter l’oreille à cette symphonie d’êtres en route vers plus, …vers mieux …au-delà des peines et des déchirures, …comme poussés par une force qui n’est pas à enfermer, mais qui avec insistance donne à tous sa consistance. Et enfin se sentir soi-même pris avec tendresse comme dans une étreinte …et se sentir devenir libre, heureux, dans une paix profonde, …en chemin avec beaucoup d’autres vers quelque chose …qui en même temps paraît effroyable et fantastique, déroutant mais fascinant, …qui sera le comble de la vie. …où nuages et océans, où ciel et terre, comme dans une apocalypse se toucheront et s’interpénètreront comme le cœur de l’homme …dans le cœur de ’’Dieu’’.
« Je me sens… comme un horticulteur qui veut créer des fleurs aux tons et formes et parfums nouveaux. Mais c’est trop mesquin encore. Je me sens porté à une hauteur incommensurable où je vois glisser des nébuleuses, où flottent des univers dans des néants qui semblent creux mais dont émane une force intense qui procure aux êtres une dimension au-delà du temps et de l’espace. C’est l’expérience de ceux qui habitaient la grotte de Platon et qui, soudain, aperçoivent les choses réelles en se libérant des chaînes de la banalité monotone. C’est un recueillement dans la contemplation de l’insoupçonné qui nous révèle toute la densité de la vie. C’est voir la grandeur, la profondeur, l’étendue des choses après une métamorphose qui les illumine de l’intérieur.
Quelle impression à vous couper le souffle que de voir tout en un seul moment, alors que vous étreint l’angoisse de pouvoir s’enliser dans le néant. Vision grandiose d’une étendue illimitée que toi et moi, lui et elle peuvent contempler, comme une grâce, au cœur même de notre essence. »
Un voyage dans l’espace est particulièrement impressionnant…
Contempler le Terre de là-haut est fascinant. Chaque image de la Terre est une expérience indélébile. Mais des scientifiques éprouvent des difficultés à trouver les mots justes pour exprimer cette expérience ou pour la traduire en art pictural. C’est une chose que les artistes réussissent bien mieux.
Dans ses œuvres Jacky Duyck réussit particulièrement bien à faire rayonner les mêmes qualités que possède l’espace lui-même : l’intensité des couleurs, cette impression de silence et de paix que respire l’espace.
A travers ses peintures on peut pour ainsi dire éprouver l’espace.
Je vois Jacky comme un navigateur de montgolfière, il s’est libéré, il a lesté son ballon, il s’arrache à la Terre, haut dans le ciel, mais pas trop haut quand même, non, car il veut continuer de la contempler. Assez haut quand même pour l’admirer autrement ce que nous bas-terriens ne pouvons ni ne voulons voir : remarquer que la Terre n’est pas une donnée statique. Regardez la Terre que peint Jacky : elle vit, elle est continuellement en mouvement, en devenir. A partir du silence du cosmos il observe, en retenant son souffle, l’incubation, la croissance de l’écorce terrestre ; là elle se lacère, creuse des crevasses capricieuses et modèle les roches en montagnes, en côtes sinueuses, en baies et presqu’îles. Ici elle enfonce un coin, une digue, une jetée dans la mer. La elle s’apaise, cette Terre pétillante : dans une interminable et douce étreinte de la mer…, la mer qui aplanit tous les plis de la Terre. Voyez, il se passe aussi des choses sur les plages : c’est quoi ça ? De petites taches, des pointillés, des lignes, des grumeaux, des ombres… ? Des personnes, des animaux, des épaves charriées ? Des restes de terribles catastrophes ? Ou bien des germes, le début d’une nouvelle vie, d’une nouvelle genèse ? La préhistoire, juste après le big-bang ?
Comment le savoir à partir d’une montgolfière, sans paire de jumelles ? La seule chose que tu observes, c’est une autre Terre, d’autres mers, d’autres ciels aussi.
Car à partir d’un ballon tu aperçois d’autres perspectives, tu contemples d’autres lignes dans le ciel, d’autres couleurs surtout, des couleurs qu’une grenouille ne verra jamais, mais qu’un oiseau, un cosmonaute et un navigateur de montgolfière peuvent admirer dans toute leur beauté. Et par dessus tout ils éprouvent une sensation indescriptible d’espaces illimités et infinis. Pouvoir fixer ces rêves de voyageurs du ciel sur une toile limitée à deux dimensions relève d’une maîtrise remarquable du métier et de la matière. Remarquez comment ces panoramas, ces marines sont réduits à leur profil essentiel : de vastes plaines d’eau et de terre, interrompues seulement par les lignes éthérées de l’horizon. Regardez comment la croûte terrestre ressort par le mélange d’un peu de sable à la peinture ! Observez comment quelques agrafes se transforment en êtres bizarres. Ici un maître est à l’œuvre, qui fixe des instantanés de calme dans le mouvement éternel.
Et encore ceci : si vous pensez que les « artistes contemporains » ne parviennent plus à dessiner convenablement, arrêtez vous devant les merveilleuses esquisses
de Provence, terre chérie de Jacky ; très terrestres, …et d’une même beauté.
Jacky est animateur, « artiste-performance » : je l’ai vu comme un « action-painter » possédé accompagné de musique jazz dans la Beursschouwburg, je l’ai vu à l’œuvre comme accompagnateur d’un happening pour enfants à la Mallemunt, sur des marchés annuels, à l’occasion de festivités populaires ; il joue dans des programmes de télévision, coopère au « kinderkrant »( journal des enfants ) dans lequel il met à disposition son incroyable bagage technique ; il se charge parfois de la fonction de guide apprécié pour la visite de musées à la Côte d’Azur, à Paris, Amsterdam et Florence ; il crée des affiches, des décors de théâtre, des étuis de disques, des livres d’art. Il est un peu l’ « uomo universale » suivant l’idéal de la renaissance, dans ses engagements, dans son art de vivre. Ca c’est son « chaos », son engagement social, son monde, son terroir.
C’est artiste ne peut être catalogué dans un quelconque courant d’art, parce qu’il est courant, il est « panta rei ».
Ainsi vous aurez compris pourquoi j’ai accepté d’introduire cette exposition ; et c’est avec un réel plaisir que je le fait. Parce qu’il s’agit ici d’un véritable artiste sincère, un artiste qui bénéficie de toute ma confiance. Depuis plus de vingt ans que je le connais, il parvient toujours à m’émouvoir et en même temps il vous transmet cette impression rare de plaisir. « Jouir », cette excitation ravissante dans votre colonne vertébrale, cette sensation de chaud et de froid, de chair de poule presque ; la béatitude inexprimable d’une confrontation avec la beauté.
« L’œuvre de Jacky Duyck nous touche parce que cet artiste aime la Parole qui signifie communication. Il cherche le sens véritable de la vie, en dehors de toutes les institutions ; il est authentique. A la fois tragique et débordant d’espoir, il axe son activité, sa pensée, ses rêves sur l’avenir.
L’architecture de sa réflexion n’est pas seulement influencée par l’Europe : d’autres mondes, tels ceux de l’Orient y ont un rôle à jouer. Dans son oeuvre, il recherche en tâtonnant davantage de profondeur, d’imagination, d’amour.
Quiconque considère attentivement son oeuvre, se rend compte de cette tension éternelle entre l’action et la méditation, le chant de la solitude, la communication juridique et la parole du prophète. Pour lui, peindre signifie trouver la paix et aller ainsi à la rencontre de l’humanité. Il est attiré par la lumière de l’Au-delà ».
L’existence de Jacky Duyck a été marquée par les expériences d’alunissage opérées par les grandes puissances. Cela a ouvert au peintre les portes d’un monde dominé à la fois par la nouveauté et le mystère qui y préside. Quand l’humanité fait un pas en avant, il en est toujours de même. L’imagination du jeune peintre qui aimait les marines et les moissons devait réagir avec fécondité à ces nouvelles données de son avenir. Le commun des mortels ne s’y trompe pas. Il hésite entre la mer ou le paysage lunaire. Et cette hésitation même s’enrichit de sensations diverses et de signifiés multiples. Est-on dans un monde vide de tout contenu ou dans un vide mystique qui nous fait pressentir l’indicible et les grandeurs de l’éternel ? Nul ne le dira. Est-ce un monde de foi ou vide de sens ? De toute façon il y a la foi du peintre, de l’artiste, qui fait progresser le monde de la peinture. L ’œuvre s’inscrit de toute façon dans une longue lignée de recherches mystiques sans que cela soit lié à une religion déterminée. D’ailleurs la religion organisée n’est-elle pas parfois l’ennemie de cette recherche intérieure, qui ne s’arrête jamais. La perception de la couleur, les lignes souples, l’opposition entre les couleurs flatte le nerf optique et force l’amateur à s’arrêter un instant de quoi mieux saisir les perspectives d’avenir !
L’existence d’une réalité supérieure ne peut être démontrée par l’intelligence humaine. Dans les domaines de la religion et de l’art cependant l’homme peut faire l’expérience qu’il vit en relation avec une réalité qui le transcende. Ce qui se réalise à travers les œuvres d’art, ce qu’ils mettent en mouvement, ce qui s’y réunit et ce qui en découle, nulle part on le retrouve comme tel dans la nature. L’art amplifie la réalité. L’art est une création constante. Ce n’est nullement dû au hasard si un certain nombre de peintures de Jacky Duyck portent le nom de « Genèse ».
Le monde pictural de Jacky Duyck nous introduit dans un silence peu commun. Ses paysages inexplorés, s’étendant entre des origines très éloignées et un certain achèvement eschatologique, se situent dans un lointain inaccessible et une insondable profondeur. Il s’agit de régions révélatrices qui nous séduisent et nous font peur à la fois.
Il va de soi que ceux et celles qui s’aventurent dans ces régions font beaucoup plus que tout simplement et tous naïvement ‘jouir de l’art’ au sens superficiel de cette expression. Une pareille rencontre picturale, en effet, est tout autre chose qu’une expérience raffinée quelque peu piquante. La puissance du cosmos ouvrira de force le petit monde où nous nous sommes enfermés nous-mêmes. Nos décors mondains s’éclipsent et, en compagnie du peintre, nous entrons dans une vie plus authentique.
« Qui connaît Jacky Duyck, qui le rencontre, le connaît un petit peu, sent que chez lui, les mots deviennent des horizons infinis, qu’il livre son moi sous un immense camouflage ou, au contraire, que cette immensité infinie cache son être. A travers les ténèbres de certaines oeuvres l’on part à la découverte de l’ordre tranquille que voile le chaos de l’univers.
Par le sondage des oeuvres, la recherche de ce qui, peut-être, existe encore au-delà du non-être infini, l’espace se présente comme l’appui anonyme de l’expérience inexprimable, comme « la plénitude vidée » d’un écho qui se reflète dans un poème mille fois répété.
L’œil du peintre se perd dans la couleur inconnue de l’arc-en-ciel galactique.
Des bruits sans puissance communicatrice planent sur des horizons imaginaires en attendant une réaction… jamais trouvée.
Là où éclate le « est » dans l’énergie du vide, il ne reste que le néant.
Et le « n’étant rien » essaye de se comprendre. Là où les horizons glissent sous nos pas, ils glissent aussi par-dessus nos têtes… Le peintre ne tente pas de parler de son ciel, mais DU ciel.
Cette cosmo-poésie est une espèce d’abandon total et permanent qui, moyennant une transformation de l’espace en temps qui fige la lumière pour en faire un gisant, permet de se sacrifier au dieu de l’inaccessible. Dialectique fondamentale de l’espoir ».
Nous nous approchons, venant des lointains
parlons en geste
plus loin que la parole
le signe tout près
que nous savons dans des lointains.
En lisant ce poème (traduit) de Willy Balyon, je songe à la peinture de Jacky Duyck. En effet, au-dessus et au-delà des nuances subtiles d’une palette à la fois douce et agressive, au-dessus et au-delà de la vision stricte des paysages étranges mais quand même déjà vus quelque part, on s’attend à un signe. Un signe de quoi ? Un signe de qui ?
Un signe de vie dans ces mondes sans êtres, des mondes définitivement disparus ou des mondes à venir ? Un signe de l’être qui n’existe plus ou que l’on ne connaît pas encore ? Ou s’agirait-il plutôt de l’appel de l’inconnu, de la voix de l’Infiniment Grand et devant lequel l’homme se sent réduit à néant ? Sera-ce un signe d’espoir ou un signe d’ultime hallucination ? Mystère du silence…
Ce qui frappe dans l’œuvre de Jacky Duyck, aussi bien dans ses thèmes cosmiques, ses paysages que ses compositions, ce sont les grandes et profondes interdépendances entre les choses, les couleurs et les silences. L’exercice artistique est devenu pour lui également un exercice de pensée, un exercice de vie.
Dans ce petit temple de la technique moderne auditive et audio-visuelle qu’est Blaupunkt, je me trouve à côté d’un homme, d’un artiste heureux. A qui échoit l’honneur et le bonheur de pouvoir montrer sa palette, son savoir artistique…
Dans ce lieu, où se marient pour le moment la haute technologie moderne et l’art pictural de Jacky Duyck, entourés de connaisseurs avertis, je vous invite en guise d’introduction, d’observer au choix, une des œuvres de l’artiste et d’écouter pendant 30 secondes l’osmose, la synergie entre l’auditif et le visuel pictural. (…)
N’est-ce pas impressionnant ? Est-ce que le son lié aux lignes et couleurs ne vous apporte-t-il pas un message bien plus intensif que toute parole humaine ne pourrait le faire ?
Tout ce que moi je puis vous dire, et ça c’est ma vérité, c’est que Jacky Duyck peint la matière et le néant, des paysages concrets et abstraits, des paysages qui n’ont jamais existé et qui n’existeront jamais (mais là je peux me tromper), le ciel et la terre. La terre comme disent les indiens du nord de l’Argentine :
« El hombre es tierra que anda ».
(L’homme est la terre en ballade)
La terre c’est la vie.
La terre c’est la perspective.
La terre c’est l’avenir.
La terre c’est la croissance.
La terre c’est la prospérité.
La terre c’est l’espoir.
La terre c’est donner.
La terre c’est vivre.
Et voilà pourquoi l’être humain est absent de ces œuvres. (…)
La terre est toujours matière première, toujours des paysages. Si une partie de l’œuvre de Jacky Duyck peut s’expliquer en termes de raisonnement, de techniques affinées, de visions cosmiques, l’autre par contre est concrète : ce sont des paysages vrais, d’une nature qu’il aime et qu’il adore. Mais dans les deux cas ce sont des paysages parfois trop grands pour y vivre, pour y habiter, mais il regarde à l’extérieur pour savoir ce qui se passe à l’intérieur.
Finalement, quel message le peintre nous apporte-t-il ?
Nous nous sommes posés la question :
Quel est le message de la fleur ? …et de l’herbe ? …et du moustique ? …et du chardon ? …et de la bête à bon Dieu ?
Certes, j’aurais pu vous parler de l’étincelant panorama et d’où il vient, du cosmos qui n’est pas encore contrôlé : de ses lois, ses forces, ses potentialités ; du but de la vie humaine qui transcende de ses œuvres et qui montre l’homme à la recherche de sa destinée, du mystère caché de tous les âges et de tous les temps, et de l’homme même à la recherche de la même puissance que Dieu.
J’aurais pu vous convier à regarder tous ces tableaux et à songer à la phrase suivante : ’’Au début des temps, il y avait le néant, et le souffle de Dieu glissait sur la terre…’’.
Pour cet artiste le monde est un grand atelier. Son œuvre, dans lequel ne figurent généralement pas d’êtres humains, et que l’on peut difficilement cataloguer sous quelque « -isme », perce continuellement les murs ou mieux les frontières. Il surprend en permanence le spectateur par des associations artistiques les plus inattendues. A partir d’une « cosmicité » explicite son œuvre évolue toujours davantage vers une plus grande sobriété et abstraction ; une œuvre dans laquelle il réussit continuellement à réduire ses sentiments à leur essence la plus profonde.
Seuls les peintres qui maîtrisent à fond leur métier réussissent à le faire. Moi, il m’apparaît que ses peintures invitent à la rêverie. Une de ses techniques consiste à mélanger du sable à sa peinture. De ce fait chaque tableau acquiert un revêtement pur et élaboré, et en superposant les couches de peinture les couleurs gagnent en intensité et profondeur. Chez Jacky Duyck chaque composition devient une unité fascinante de couleur, de lumière et de forme. Par la tendance d’une abstraction plus poussée, par l’accent mis sur la composition pour elle-même, la plupart de ses peintures échappent au figuratif. Elles évoluent en images universelles, qui ne sont point liés au temps ou à l’espace. Elles sont l’expression d’une émotion vécue en profondeur qu’il répète jour après jour. Je continuerai à suivre son œuvre avec étonnement et admiration.
Quand je contemple l’œuvre de Jacky Duyck, je ne puis m’empêcher de penser aux paroles de Neil Armstrong lorsqu’il enjambait le sol lunaire : « Quel spectacle merveilleux, émouvant qui vous coupe le souffle ».
Jacky Duyck est le peintre des visions cosmiques. A ce titre, il occupe avec son œuvre une place tout à fait spéciale dans la peinture flamande moderne où prévalent néo-figuratif et néo-réalisme.
Il ne fait du reste aucun doute que la poésie est présente dans l’œuvre de Jacky Duyck, puisqu’il n’est pas le peintre de la réalité matérielle, mais celui du réalisme spirituel. C’est un artiste extrêmement sensible au mystère de la vie, de la mort et du rêve. Les titres de ses oeuvres reflètent clairement des thèmes et ce n’est pas par hasard que « Genèse » et « Apocalypse » sont des titres qui reviennent plus d’une fois.
Dans chaque peinture, Jacky Duyck explore en tâtonnant la réalité universelle. Il s’agit d’une quête de la réalité au-delà du matériel qui débouche sur la réalité immatérielle de base. C’est d’une manière intuitive, à travers l’inconscient, que l’artiste fait cette découverte. Mais en même temps, nous constatons que la science et la microphysique aboutissent aux mêmes conclusions, aux mêmes découvertes.
Si l’œuvre antérieure de Jacky Duyck était liée à la matière, si imaginée, menaçante et angoissante fut-elle, il en arrive maintenant à une représentation épurée d’une aventure purement spirituelle. Toute anecdote encore transperçante auparavant, est désormais gommée.
La meilleure façon de définir la peinture de Jacky Duyck est de dire qu’il s’agit de la conscience de l’essence spirituelle d’une réalité lumineuse primordiale. Cette peinture est en premier lieu une aventure spirituelle. Mais simultanément elle est une aventure plastique, un combat avec la matière, avec les possibilités techniques de l’expression plastique. Dans certaines de ses oeuvres, Jacky Duyck a réussi l’expression plastique de l’extase. Dans ses oeuvres, le fond et la forme ne font réellement qu’un. Le mystère que Jacky Duyck exprime devant nos yeux, reste insondable, mais les signes que l’artiste nous livre peuvent être ressentis. C’est un art qui nous enrichit, un art qui nous montre ce qu’inconsciemment nous savions, mais dont nous ne prenons conscience qu’en regardant ses toiles. »
Il ne fait du reste aucun doute que la poésie est présente dans l’œuvre de Jacky Duyck, puisqu’il n’est pas le peintre de la réalité matérielle, mais celui du réalisme spirituel. C’est un artiste extrêmement sensible au mystère de la vie, de la mort et du rêve. Les titres de ses oeuvres reflètent clairement ses thèmes et ce n’est pas par hasard que « Genèse » et « Apocalypse » sont des titres qui reviennent plus d’une fois.
Quant aux thèmes, les oeuvres récentes de Jacky Duyck restent très en rapport avec ses toiles antérieures. Comme toujours, il peint des planètes étranges, des paysages imaginaires de mondes qui viennent de naître ou dans lesquels, au-delà de l’apocalypse, toute vie s’est éteinte.
Mais l’imagination de l’artiste devance encore toujours la technique et la science. A peine avons-nous réussi à envoyer des hommes sur la lune, que Jacky Duyck part déjà pour des voyages imaginaires beaucoup plus lointains. Il visite des planètes inconnues aux ciels insolites, parfois bleus, parfois intégralement verts. Il est de ces artistes qui par leur art décèlent dans la réalité d’autres stratifications que celles qu’ils connaissent d’expérience. Bien sûr, c’est également l’expérience qui leur révèle tout cela, mais c’est grâce à une conscience accrue et à un développement de la potentialité qu’ils parviennent à l’acquérir. L’artiste découvrira progressivement les fragments de la dimension spirituelle de son être pour apercevoir enfin, qu’en lui-même vit une réalité qui fait partie de son corps matériel et qui lui permet de communiquer avec la réalité universelle.
La meilleure façon de définir la peinture de Jacky Duyck est de dire qu’il s’agit de la conscience de l’essence spirituelle d’une réalité numineuse primordiale. Cette peinture est en premier lieu une aventure spirituelle. Mais simultanément elle est une aventure plastique, un combat avec la matière, avec les possibilités techniques de l’expression plastique. Dans certaines de ses oeuvres, Jacky Duyck a réussi l’expression plastique de l’extase. Dans ces oeuvres, le fond et la forme ne font réellement qu’un. Le mystère que Jacky Duyck exprime devant nos yeux, reste insondable, mais les signes que l’artiste nous livre peuvent être ressentis. C’est un art qui nous enrichit, un art qui nous montre ce qu’inconsciemment nous savions, mais dont nous ne prenons conscience qu’en regardant ces toiles.
Dans la peinture de Jacky Duyck, le caractère cosmique a toujours été fort prononcé. Dans des oeuvres plus anciennes, comme « Apocalypse op. 38 » (1973), peinte entièrement en brun, ce caractère dénonçait une grande tension intérieure, une peur de l’inconnu, une angoisse qui se traduisait souvent par des visions d’épouvante. Jacky Duyck était le témoin d’une planète bizarre, couverte de plantes effroyables, de champs de glace inaccessibles ou de chaînes de montagnes effrayantes. Tout était observé de l’espace. L’oeil du peintre était celui d’un cosmonaute spiritualisé. Parfois, l’espace était habité d’insectes géants et terrorisants qui semblaient y être les seuls êtres vivants.
Les oeuvres récentes de Jacky Duyck sont devenues beaucoup plus paisibles. Les planètes qui passent devant l’oeil de son imagination sont plus accueillantes. Pourtant, les thèmes du peintre sont demeurés semblables. Il s’agit toujours de visions de Genèse ou d’Apocalypse : une de ses créations récentes, « Genèse » (1976), peinte en noir et blanc, nous montre comment dans l’océan lisse de la mort germent les premières étincelles de la vie qui finalement l’emportera sur la nuit des temps. Jacky Duyck, en effet, est devenu plus optimiste. Ses angoisses ont disparu et le peintre se laisse flotter tranquillement sur les ailes de son imagination. Avec un étonnement bien aisé, il contemple les merveilles des visions cosmiques que personne avant lui n’avait découvertes.
Lorsque je fis connaissance avec l’œuvre de Jacky Duyck, je ressentis comme un choc. Ses peintures sont impressionnantes par leurs couleurs, leurs motifs et leur thématique. Pour moi elles sont une expression de l’infini. Le début et la fin. Les temps préhistoriques, l’univers et le chemin que nous parcourons après la mort. La nuit nous regardons le ciel et nous nous demandons ce que ces planètes nous cachent. Nous sommes curieux et nous envoyons de fusées dans l’espace pour en savoir plus sur ces environs étranges qu’elles explorent. Mais nous sommes des humains, nous cherchons toujours plus loin. Nous voulons apprendre davantage ce qui pour nous est l’essentiel ; mais beaucoup de choses restent énigmatiques ; nous supposons que beaucoup d’éléments sont à découvrir mais resteront encore longtemps cachés. Le peintre Jacky Duyck est familiarisé avec ce monde et voit ce que ce mystère contient. Il peint l’infini, l’immortel. Il nous montre l’infini dans sa signification constructive, négative et destructrice. Pourquoi en suis-je tellement convaincu ? En 1992 je demeurai cinq longs mois à l’hôpital. Durant plusieurs semaines j’étais dans le coma. Mais dans mon inconscient des rêves se tissaient. Ces rêves m’amenèrent sur la voie des étoiles et dans l’espace mystérieux de couloirs vers la lumière éternelle. Et en chemin je vis ce que Jacky peint sur ses toiles. Car il peint de l’éternité.
Cette forme spontanée et naturelle de relativisation, propre aux artistes, par laquelle il exprime clairement sa vision sur les événements du monde, n’est cependant pas laissé au hasard. Heureusement pour lui. Jacky Duyck est un véritable artiste, qui maîtrise à fond son métier. Un homme de métier parfait, perpétuellement en recherche de perfectionnement de ses possibilités techniques, conscient de la nécessité que c’est par une telle maîtrise de son métier qu’il parviendra à libérer son énergie émotionnelle et artistique.
Dans chacune de ses œuvres Jacky Duyck semble illustrer ou interpréter surtout le troisième jour de la création, non seulement dans ses peintures mais également, bien qu’en moindre mesure, dans ses ouvrages graphiques. Ceci fait de l’œuvre de Jacky Duyck un ensemble remarquablement cohérent.
Ciel est terre sont déjà séparé, mais le monde est encore vide ; et à partir de ce moment l’artiste commence à exprimer sa conception de la formation de notre milieu de vie. L’être humain n’est pas encore présent, mais c’est comme si Jacky Duyck voulait orchestrer lui-même son milieu de vie. Avec le ciel il ne rencontre pas de problèmes : dans une pureté sereine le firmament pend en ses teintes bleues ou jaunes au-dessus de la croûte terrestre. Une faible nébulosité ou de longues traînées brumeuses règlent la respiration des sphères célestes et la succession du jour et de la nuit, des saisons et des années : elles représentent le rythme constant et éternel de la nature. Mais en-dessous se déroule l’évolution tumultueuse du pont-promenade des humains sur cette terre. L’océan, qui reçoit le reflet du firmament, et duquel jaillira toute vie, fait naître la terre ferme. De tensions internes et ascendantes giclera un chaos apocalyptique. Mais celui-ci n’est ici point une destruction finale ; bien, comme le prétend un courant philosophique moderne, un désordre originel duquel s’épanouit progressivement une disposition nouvelle et un équilibre nouveau.
L’énergie, qui est renfermée dans la mer, fait se contracter des amas rugueux de matière, desquels émergent des fossiles primaires. Souvent on les retrouve comme bois flottant sur la plage primitive, comme s’ils n’attendaient que les rayons solaires pour se mettre à vivre. Ainsi est annoncée une forme primaire de présence de vie, qui ne reçoit que rarement une expression claire et distincte dans l’œuvre de Jacky Duyck : comme artiste il est plutôt fasciné par la genèse des choses que par leur apparition intérieure.
Tout ceci est presque une approche philosophique de l’arrière-fond de l’inspiration de Jacky Duyck. Plus important est d’examiner par quelles impulsions créatrices il est animé lorsqu’il métamorphose son imagination en œuvres d’art.
A la base de la pulsion créatrice de Jacky Duyck on découvre paradoxalement un souci d’ordre et d’harmonie : une ordonnance en construction et une harmonie de couleurs pleines de nuances.
Le ciel et la terre, comme nous l’avons constaté, sont toujours séparés par une douce netteté. La ligne verticale n’est utilisée que pour mettre en évidence l’aspiration d’élévation de certaines formes solides. Mais cette séparation horizontale se situe plus haut ou plus bas ; pour garantir la symétrie Jacky Duyck inventa des variantes innombrables. Celles-ci déterminent le poids et la pression de la partie supérieure de la toile sur la partie inférieure : elles provoquent une vibration musicale spécifique, une alternance d’un sentiment de paix et de confiance profond avec un éruption fougueuse de violence et de doute. Quand l’avant-plan est réduit à une mince frange, c’est une étendue infinie qui s’étale au loin ; si par contre c’est une bande étroite qui délimite le ciel, alors ce sont toutes sortes de forces et de fermentations qui prennent le dessus. Cette alternance de division géométrique de la toile garantit en tout cas la cohérence caractéristique entre les peintures successives de Jacky Duyck.
L’usage des couleurs vient compléter et accentuer cette homogénéité : les couleurs insufflent d’une certaine manière une vie nouvelle dans les compositions dépouillés. La houle, les ondulations, les cristallisations, les contractions sont actives dans la mer originelle pour en faire émerger la terre, qui renferme les germes d’une vie ultérieure : les noyaux des minéraux, les fibres des plantes, la fertilité du sol, les coquilles ou écailles de formes primitives de vie remontent vers la surface ; leur teint bleu-clair ou gris, jaune, brun ou nacré indiquent dans quel sens se développera leur évolution vers le végétal, le minéral ou l’animal. Les couleurs, apposées de manière nuancée ou l’ensemble harmonieux de pointillés de couleur individuels, dévoilent – tout comme le ciel – les saisons appropriées : le jaune étant la couleur du printemps, le rouge-brunâtre celle de l’automne et la couleur dominante bleue célèbre l’été ou le temps de tempête ; elle est aussi le symbole de notre ’’planète bleue’’.
Tout comme mes collègues critiques d’art, je ne puis coller quelque étiquette d’ «-isme » sur l’art de Jacky Duyck : im- ou expressionnisme, symbolisme, surréalisme ; tout convient, et rien ne satisfait. Le Cosmique (Cosmisme) en fait aussi partie. J’ignore si la manière dont je « lis », ressens et décris les œuvres de Jacky Duyck est exacte : chaque interprétation d’une œuvre d’art est irrémédiablement subjective et émane d’une projection personnelle. Ce que je sais bien par contre c’est que l’œuvre de Jacky Duyck m’interpelle : me défie dans mon aptitude d’interprétation, excite ma manière d’interpréter une composition, satisfait mon plaisir d’admirer des couleur, et attise mon sens de la beauté. Bref, son œuvre conquiert et séduit tant mon cœur que mon esprit.
Nous nous sommes rencontrés dans le monde du théâtre. Jacky peignait des décors pour des représentations pour jeunes au Théâtre Brialmont, également pour diverses productions jouées sous la régie de Dries Wieme, notre ami commun regretté.
(…) Il n’accepte jamais d’insérer quelque chose de manière délibérée, il crée toujours suivant ses émotions du moment.
(…) Des distances kilométriques pour atteindre enfin l’essence des choses.
L’arme tactique secrète qu’est un artiste détruit les casemates que votre conscience a construites et dynamite les certitudes que vous vous êtes indûment appropriées. On ne vous laisse aucune certitude, car celui qui a des certitudes est un être dangereux, ne soumet plus le monde à la question, ne s’interroge plus.
Jacky Duyck interroge le monde, il s’interroge lui-même dans ce monde, il interroge la matière, il interroge le cosmos, il interroge l’art, ses manifestations, son matériau, ses techniques, il interroge la toile, le papier, la couleur, l’encre, la plaque de verre, la pierre, la presse, et il vous livre ses réponses provisoires. En toute discrétion – bien qu’on puisse douter que chose pareille existe, mais quoi qu’il en soit en toute incertitude.
(…) des paysages, structurés et tout de même disloqués : vous les retrouvez dans une technique que Duyck est parvenu à maîtriser lentement : celle de la gouache alliée à celle de l’aquarelle, une touche de brou de noix, du papier tailladé et déchiré. Des environnements inconnus, inexistants et tout de même connus comme étranges, nés de l’inquiétude, mais avec une calme maîtrise de la matière et portés sur le papier dans des compositions, pleines de significations et de tensions.
Encore plus proche de la terre et cependant avec une profondeur mystique, enveloppé du souffle de la solitude, Jacky Duyck s’exerce comme les maîtres anciens sur place avec crayon, pinceau, charbon de bois ou bâtonnets, dans des paysages dessinés ou esquissés à l’encre, au crayon ou au brou de noix. L’homme en est absent, mais l’artiste rétablit le contact entre l’esprit humain qui a continué à planer sur ces paysages et l’esprit propre qui en a l ‘expérience.
Et enfin il y a Jacky Duyck qui cherche, l’artiste qui lutte contre les formes d’où il tirera demain la Cité nouvelle et qui sait – après-demain, sans doute l’homme nouveau. C’est le Jacky Duyck qui possédé, en pleine colère ou par pure misère attaque à coups de pinceau le papier ou la toile et qui après cette explosion, à partir d’une méditation supprime le lyrisme superfétatoire, corrige, situe bien les arcs de tension, restaure l’équilibre de la composition pour conférer à l’explosion son expressivité humaine et artistique la plus haute.
Peindre et parler sont deux activités distinctes. Quand on parle, comme en musique, des expériences et des informations sont pour ainsi dire développées dans le temps, ensuite elles se répandent et sont assez vite refoulées par d’autres sons. Une peinture occupe un emplacement dans l’espace. Il s’agit d’un objet. Le temps qui s’écoule ne l’emporte pas. Et demain ou après-demain elle sera toujours la même. C’est pourquoi elle paraît plus solide, plus définitive et elle constitue en tant que telle déjà un symbole de présence transcendante.
Cette présence transcendante est peut-être le thème central de Jacky Duyck. Déjà dans ses premières oeuvres il cherchait dans ce sens, au départ avec une certaine nervosité et sans doute avec impatience comme s’il était en quête des voies véritables. Plus tard il le fit avec plus de détermination, de capacité de contemplation et de joie toujours plus grande de création.
Il nous introduit dans un silence insolite. Là, entre les premiers commencements et l’accomplissement final, s’étendent ses paysages que nul homme n’a visités, extrêmement lointains et d’une profondeur insondable. Ce sont les lieux de révélation du mystère, qui à la fois nous attirent et nous inspirent de la crainte.
Les couleurs ne sont pas là pour décorer la surface ; elles se déploient plutôt de l’intérieur vers l’extérieur. Les rares variations formelles, très souvent à peine ébauchées, les plis de terrain ou les signes graphiques plus autonomes ne peuvent exister qu’en fonction d’une animation plus poussée qui de l’intérieur influence magnétiquement toute vibration de vie. Dans ces circonstances le moi individuel ne peut que se perdre. On l’enfreint, on le suce, on le sacrifie. Il s’agit d’une aventure étrange, car précisément dans ce glissement l’homme se retrouve vraiment. Il est saisi et tout de même il est libre. Il se rapproche du bord d’un gouffre menaçant et pourtant la paix lui est accordée.
Il est évident que quiconque s’aventure dans ces régions va bien au-delà de la jouissance esthétique et que cette expérience picturale n’a rien à voir avec l’une ou l’autre expérience de salon. La vigueur du cosmos fait éclater le monde où nous nous étions enfermés. Les décors de notre vie mondaine sont enlevés. De concert, avec le peintre nous nous acheminons vers une vie plus vraie.
Jacky Duyck pourtant ne méprise pas du tout le monde et il n’est pas un individu isolé. Il aime de vivre avec les gens et de façon intuitive il ressent leur joie, leurs aspirations et leur souffrance. Il aime la musique de Brel comme celle de Bach. Même les plus petits objets l’intéressent : une pierre usée par le frottement, une branche morte, la rouille qui envahit les restes de l’une ou l’autre machine. Pour lui, ce sont des signes, des symboles, des éléments de poésie, à partir d’une même source de vie.
Un demi siècle Jacky Duyck : méditation commune.
Nous pouvons nous imaginer les « siècles des siècles » comme un paysage étalé à l’infini. Nous en détachons une période de cinquante ans, qui occupe sa place quelque part dans cette fresque incommensurable au sujet de laquelle – à travers toute l’histoire humaine – tant de philosophies, de théologies et de littérature ont été engendrées, mais que nous n’avons jamais pu apercevoir dans sa totalité. Pourquoi ? Parce que chacun de nous est trop petit et parce que des paires de lunettes spéciales nécessaires pour scruter l’éternité ne sont pas disponibles dans le commerce. Pour ce cinquantenaire nous devons donc nous contenter d’exhiber un petit fragment de vie que nous pouvons fixer au mur pour en permettre la contemplation. Nous pouvons nous imaginer que sa surface ressemblait initialement encore à une page vierge et qu’au début de ces cinquante années on y avait représenté un point d’interrogation. Pour débuter un griffonnage incertain ou passionné. Puis juste en dessous, de manière plus précise et plus décidée : un point. Près de ce point imaginaire nous voulons rêvasser un instant. Ce point pourrait bien renvoyer à un moment de solitude bienheureux ou pénible. Soit un point de début de pensée, de sensation, de toucher. Soit ce point ultime, comme l’écrit Ruusbroec, vers lequel convergent toutes les lignes avec une certaine hésitation. Par après pouvait se dérouler encore beaucoup de choses. Il est possible que, dans le déroulement des cinquante années, sur cette surface, de plus en plus de courbes griffonnées et de points précisés se soient ajoutés à la représentation du point d’interrogation initial. Riche d’une panoplie de couleurs ceci fut tantôt au pinceau nuancé en douceur, tantôt recouvert catégoriquement d’une couche épaisse de couleur. Puis une main vint saupoudrer de sable cet ouvrage, et commença à créer une sorte de croûte, un relief en trois dimensions. Et qu’est-il encore possible par tant de labeur ? Diverses métamorphoses peuvent encore se déployer au fil du temps. Mais même si le point d’interrogation primordial semble se camoufler derrière ce qui s’y est ajouté durant ces cinquante ans, alors même cet ensemble – qui lie tout à tout – devient plus perceptible, mieux que par toutes les paroles d’explication imaginables. Cet ensemble se révèle notamment lui-même avec sa propre signification mystérieuse. Celui qui contemple ce qui se révèle là peut ressentir en soi la même mutation existentielle. Sûrement que si, cela est aussi possible. Et, après un demi siècle cette expérience est même très souhaitable, voire désirable. Peut-être que ceux qui ont ressenti la même vibration en eux se disent : celui qui a provoqué ceci n’est pas n’importe qui. Dans un individu pareil fermente toujours du neuf. De temps en temps la coquille se brise et une nouvelle surprise en jaillit. C’est heureux, qu’en notre temps tellement problématique, il peut exister une personne pareille qui réussit à nous toucher d’une manière toute personnelle.
« J’aimerais quand même vous définir cette espèce de commun dénominateur qui nous lie.
A une époque où le nivellement par le bas va de pair avec une robotisation croissante – ce qui n’est pas sans nous toucher de diverses façons et en diverses mesures – nous avons trouvé dans l’œuvre de Jacky Duyck, quelque attrait, quelque chose de sécurisant, une note poétique, un microbe qui se développe en sens inverse, un substrat spirituel qui parvient à transmuter la vie en une aventure spirituelle indéfinissable, ineffable, inénarrable, un je-ne-sais-quoi qui est le ferment, la structure même de la liberté.
Pour ma part et je pense le dire également au nom de mes amis, il me semble que c’était cela, ce fil invisible qui nous a lié et qui continue à le faire. Par cette oeuvre, dans elle et pour elle, nous pourrons – comme l’a dit Pieter G. Buckinx dans un des vers du livre – continuer « à croire malgré tout, au Miracle ».
Quand quelqu’un sait peindre de cette façon, du point de vue de l’esprit et de la technique qu’il nous est difficile de dire si c’est abstrait ou figuratif, plus encore que l’on sache dire que c’est à la fois abstrait et figuratif, de sorte que toutes les étiquettes, attribuées trop aisément par les critiques et amateurs d’art, tombent finalement et sont dépourvues de signification… quand quelqu’un sait peindre à ce point que nous atteignons émotionnellement et intellectuellement l’essence de la peinture, de l’homme qui peint, l’on ne peut que rendre grâce.
Nous ne pouvons pas oublier qu’un artiste offre sans cesse des cadeaux. Mais qui est encore en état de les recevoir ?
Beaucoup de gens estiment un tableau selon son prix. Une oeuvre d’art est plus qu’une marchandise. Elle ne pourrait même jamais être marchandise. Je suis heureux des nombreuses oeuvres que Jacky Duyck a créées. Je lui en sais gré… de cette richesse.
Sommes-nous encore capables d’aimer une oeuvre d’art ?
Comme les vagues sur les vastes océans, les coriaces croûtes terrestres recouvrent les mystères que nous ne pouvons que soupçonner en-dessous d’elles.
Paul Klee a dit un jour : « L’Art ne manifeste pas ce qui est déjà visible, mais rend quelque chose visible ».
Cette idée, Jacky Duyck la nourrit déjà depuis plus de vingt ans.
Jacky Duyck peint et dessine de la poésie. De la poésie qui se meut sur les vagues de pensées et de sentiments, et qui, à la vitesse de la lumière, se lance vers l’infinitude de l’espace. Par le jeu des couleurs et de la lumière et par une maîtrise chevronnée de ses différentes techniques son œuvre acquiert une profondeur émouvante, tant sur le plan pictural que graphique. C’est cette force qui nous anime et qui nous transporte, remplis d’étonnement et d’admiration, vers une aventure merveilleuse, vers la profondeur insondable de notre existence. Le ravissement que procure cette quête donne à l’œuvre de Jacky Duyck tantôt une dimension reposante et méditative, tantôt ampleur cosmique et inquiétante.
Vingt années comme artiste, débordant de créativité, ont pétri en Jacky Duyck l’ « Uomo Universale ». Jacky n’est d’ailleurs pas seulement un artiste talentueux, de surplus il est un artiste pédagogue engagé. A partir d’une forte motivation intérieure, il était et il reste un animateur infatigable, qui tente de combler le fossé qui sépare l’art et les gens. Je ne puis qu’applaudir qu’en la matière son intérêt se porte avant tout sur la jeunesse. L’ élan créateur de Jacky Duyck fera que cet hommage devient seulement le tantième point d’orgue dans sa recherche ininterrompue de conceptions et de défis.
C’est avec plaisir que je continuerai à suivre attentivement ce cheminement.
Non seulement nous avons tenté, via la télévision flamande, d’enthousiasmer la jeunesse pour diverses formes d’expression plastique, mais lors d’un beau lundi férié nous nous sommes même mis à peindre dans son atelier.
(…) comme pas d’autre il peut vous raconter combien il est un homme heureux, parce qu’il peut vivre en artiste. Et par l’expression artiste j’entends quelqu’un qui parvient à communiquer à d’autres ce qui vit au plus profond de lui-même.
C’est pour cette raison – et je ne serai certes pas le seul – que je suis jaloux de lui. Car nous ne pouvons que nous en réjouir que ce bonheur là est devenu le sien.
Il y a un bon nombre de critiques d’art qui semblent s’étonner continuellement de la diversité des techniques maniées par Jacky, aussi du fait qu’il développe un éventail très large dans le choix de ses sujets, …bref, des différentes manières par lesquelles l’artiste Jacky Duyck s’exprime.
Comment est-ce possible ? Avaient-il pensé qu’un homme comme Jacky, qui boit la vie à pleines gorgées, qui porte son attention sur tout ce qui se passe autour de lui, se résignerait à rester, avec son art, prisonnier dans un seul trou ? Ou expriment-ils par là leur désappointement de ne pas réussir à lui coller une étiquette, et que le spectateur ne peut se résigner à rien d’autre qu’à s’intéresser à l’homme Duyck ? Le Jacky ému, joyeux, triste, circonspect, exubérant, humoristique, mais toujours le même Jacky Duyck franc et honnête.
Il peint l’avenir dit l’un, il peint le passé prétend l’autre. Il y en a même qui doutent entre les deux possibilités. Ils se trompent éperdument. Jacky peint l’aujourd’hui, le monde dans lequel il vit maintenant. Et nous savons tous que ce que nous vivons à l’instant inclut à la fois le passé et l’avenir.